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Le Site Officiel De Mohamed  Saïd Raïhani

 

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LES TROIS CLEFS

 

Une nouvelle écrite par Mohamed Saïd Raïhani

Traduite par Mohamed El Kobbi

 

 

 

  J’ignore pourquoi mon père, à l’heure de l’aube, se retire dans la chambre désaffectée dans la cave et se terre dedans pour de longs moments.

 

Serait-il entrain de prier?

 

L’acte obséquieux de prier et de s’adonner à son adoration, cependant, n’exige pas tant de méfiance et de vigilance.

 

Serait-il, au contraire, entrain de s’employer à une sorte de sorcellerie bizarre?

 

Mais il ne possède aucun accessoire pour ce genre d’usage: Ni encrier, ni brasier, ni accoutrements adaptés, ni membres d’animaux indispensables à cet effet…

 

Il passe son temps à lire!

 

Du trou de la serrure, je peux observer l’intérêt tout particulier qu’il porte à son document: Ses yeux tout écarquillés, sa tête presque pendue à son livre jaune et sa respiration haletante qu’on entend nettement dans le silence total.

 

Il se peut aussi qu’il soit entrain de dépouiller  un livre érotique?!

 

Une fois qu’il a terminé sa lecture qui semblait proche d’une liturgie, il a rangé son objet de culte dans un tiroir. Puis il a remis la clef argentée dans une mallette qu’il a refermée à l’aide d’une clef en cuivre qu’il a ensuite mise dans une vielle boîte et il l’a fermée avec une minuscule clef. Enfin, il a caché cette dernière clef sous le bout de la natte qui couvrait à peine le plancher. J’ai filé discrètement dans le cagibi d’à côté pour lui céder le passage et éviter d’éveiller ses soupçons.

 

Je l’ai surveillé alors qu’il montait les marches des escaliers et qui regardait sa montre. Il était sept heures du matin. De ce temps-là à son retour, vers midi, j’avais largement le temps libre  pour rechercher le livre et le lire au même endroit préféré de mon père  même si ce n’est pas à l’aube.

 

Je me suis rassuré de son départ et je me suis précipité dans la chambre. J’ai tâté le dessous de la natte à la recherche de la première clef avec laquelle j’ai ouvert la boîte tout en subissant l’odeur âcre du bois ancien. Puis j’ai subtilisé la seconde clef qui m’a aidé à ouvrir la mallette. Mais, à l’intérieur de celle-ci, je n’ai pu mettre la main sur la clef en question. Sachant bien que j’ai vu de mes propres yeux mon père la glisser dedans.

 

J’ai secoué la mallette énergiquement et entendu un  tintement de plusieurs babioles. J’ai vidé son contenu pour voir de nombreuses clefs tomber à mes pieds. J’ai essayé la première clef, la deuxième, la troisième… J’ai continué à les essayer toutes jusqu’à dénicher la clef en argent qui m’a permis d’ouvrir l’armoire et me retrouver finalement en face de mon livre/mystère.

 

Est-ce un Coran ?

 

Pas le moindre du monde. il s’agit d’un drôle de manuscrit rédigé avec une calligraphie de prototype  marocain mais il n’est nullement un Coran.

 

Il est possible qu’il soit un testament car le prologue se présente sous forme d’un schéma pyramidal d’arbres généalogiques, et mon nom de famille y est mentionné  à chacune des branches et à chacune des racines.

 

J’ai déduit qu’il s’agit de mes ancêtres et que cet organigramme est le chemin que je dois emprunter pour arriver jusqu’à eux.

 

Dans les pages qui suivirent, étaient consignés les noms de tous mes grands-parents sous forme de titres. Le texte était composé de deux ou trois paragraphes. Chaque texte était annoté d’une main différente, parcourant de cette manière toute la longue chaîne de ma descendance et couvrant une longue période séculaire. Ce qui,  sans doute, justifie l’état de détérioration du livre qui a dû être exposé pendant des siècles à la moisissure et l’humidité des lieux et subir de surcroît la rugosité des mains curieuses de plusieurs générations ayant succédé pour y accoucher leur commentaires.

 

Qu’est ce qu’ils ont pu écrire dedans?

 

J’ai lu le premier témoignage et je me suis senti troublé. J’ai lu le second avec énormément de convulsion et j’ai persévéré dans la lecture des autres témoignages saisi de tressaillement et d’épouvante.

 

Qu’est-il bien arrivé à tous mes ancêtres ?

 

Appartiendrais-je à une descendance de maudits et de damnés?!

 

Est-ce un fléau qui a frappé toute notre souche filiale?!

 

Tous mes ancêtres transcrivent durant ces pages leur malheur et leur misérable division en ne tenant pas compte du testament et de la morale de mon premier grand père qui leur a défini  et confiné le bonheur dans le secret des trois clefs.

 

Mais où se trouve-t-il ce précieux Testament ?

 

J’ai épluché le livre ligne par ligne, en vain.

 

Théoriquement, c’est au début que je dois le trouver  car il se réfère à mon premier ancêtre.

 

Le temps presse et je me sens de plus en plus sous le poids écrasant de l’urgence. Ce qui me pousse à m’embrouiller davantage. Le livre s’effiloche entre mes doigts et brusquement sa reliure céda d’un coup et ses feuilles s’éparpillèrent partout, déclenchant un tourbillon de poussière et un tohu-bohu de toux et d’éternuement.

 

C’est ainsi que se conclut d’habitude toute démarche accomplie dans la précipitation, avec du remords et des regrets!

 

J’ai tout interrompu. J’ai quitté le lieu pour inspecter les réactions qu’aurait provoqué mon ramdam. Mais heureusement personne n’était à l’affût. J’ai fixé le soleil dans le ciel et su que j’avais encore du temps devant moi. Alors, je suis retourné dans la chambre pour achever ma besogne. Cette fois-ci j’ai choisi de m’asseoir à même  le sol en prenant soin de me calmer les nerfs en alternant inspiration et expiration au point de récupérer mon équilibre et par la suite ma capacité à gérer sagement la situation. J’ai réussi à tout remettre en ordre avec beaucoup de dextérité et de précision.

 

C’est là où j’ai pu lever le voile sur l’énigme.

 

Le voilà Le Testament!

 

Le voilà Le Secret des Secrets!

 

Le voilà le rossignol du bonheur!

 

Les voilà Les Trois Clefs!

 

 

 

La clef de la Liberté :

 

«Chacun de nous, mon fils, détient son fil conducteur qui le relie à son enfance, à son innocence, à sa flamme de bonheur, à son enthousiasme, à la curiosité et la belle turbulence qui incite à s’interroger librement et à tout tenter et expérimenter.

 

Toute la lutte existentielle est nouée autour de ce fin fil, qui , une fois maintenu par les mains des autres, devient une entrave à toute action volontaire. Si tu laisses les autres serrer ce fil à ta place, saches que tu n’auras plus aucune chance d’agir librement: Tu te tairas quand les autres se tairont et tu t’emporteras quand ils s’emporteront. À ce moment-là, tu deviendras une marionnette à fils, une poupée parmi les poupées, une simple caisse de résonance à leur pouvoir de décision.

 

Mais pour saisir ce fil, mon cher fils, il faut tenir entre tes mains la deuxième clef, celle du rêve : Ton guide et ton maître pour explorer les profondeurs de ton être; ton incontestable ami qui n'hésitera pas à te confronter  à ton propre miroir et qui, sans aucune pitié, te fera découvrir ton vrai visage, ton vrai nom et ta vraie réalité.

Alors, bienvenu mon garçon, dans le monde du rêve, celui de la vérité.»

 

 

 

La clef du Rêve :

 

«Tu pourras adorer toutes les musiques et toutes les mélodies qui échappent aux dictats du silence et de l’aphasie. Tu  pourras aussi être un passionné des arts plastiques et de la peinture qui libèrent la vue et la vision de la médiocrité et de la pesanteur du banal comme tu pourras admirer la poésie pour te lancer dans la création des images inventives et des rhétoriques originales sans oublier le monde du spectacle grâce auquel tu pourras transvaser les petits univers dans les grands et convertir la comédie et toutes les parodies en une entreprise sérieuse. Mais la passion , la plus haute des passions, mon garçon, c’est que tu vives ton rêve pendant tes somnolences et que tu le remémores entièrement à chaque  éveil.

 

C’est cela même qui n’est pas à la portée de tout un chacun.

 

Il faut que tu puisses t’affranchir des lois impérieuses et contraignantes de la nature et que tu voles à la manière singulière des oiseaux: Léger comme un  nuage, libre comme le vent…

 

Que tu ranges de côté les lois oppressives de la société…

 

Que tu te dénudes comme un enfant tout heureux de faire ses premiers pas…

 

Que tu coures nonchalamment dans les rues sans tenir compte des lois canons de l’âge, du genre, de la tribu et de l’ethnie…

 

L’acte suprême de la passion, mon cher fils, c’est que tu tiennes ta vie au bout de la clef du rêve.»

 

 

 

La clef de l’Amour :

 

«La liberté, mon fils, nécessite un certain canevas appuyé d’un concept et c’est le rêve qui en est souvent le promoteur. Mais le rêve implique aussi un fait réel. Ce fait réel n’est rien que l’amour. L’amour est un voyage sans fin et sans contours, une aventure qui mène à te procurer de la maturité et de l’épanouissement.

 

Cependant, la mesure de toute perfection est le don: Le don de soi-même, de son temps personnel, de son bien matériel, de son talent, de son corps et de son âme. L’amour même n’est que l’expression vivante de l’éclosion psychologique de chacun. L’amour n’est autre que le reflet de l’évolution simultanée de l’esprit et du corps.

 

Saches que tu n’apprécieras jamais la valeur de l’amour si tu ne commences pas  par t’aimer toi-même avant d’aimer les autres. Il faut que tu sois en paix avec toi-même. Reviens à toi toujours et découvres tes avantages et tes points forts que tu dois constamment contrôler.

 

N’hésites pas à t’admirer devant un miroir, rappelles toi tous les moments de bonheur et les souvenirs radieux qui jalonnent ta vie, mets souvent le point sur ton style apprécié chez les autres, et sois fier de ce qui te différencie d’eux, car seule ta différence est susceptible d’entériner ta raison d’être.

 

Aimes toi-même pour pouvoir aimer les autres. Si tu as  l’amour tu réussiras à délivrer les malheureux des humains. Si tu sens le bonheur pour le partager tu seras le salut de tous les malfamés. Il suffit que tu aies cette lumière pour  éclairer tout ce qui t’entoure. »

 

 

A présent,  l’heure indique midi.

 

J’ai fermé le livre. Je l’ai mis dans le tiroir que j’ai fermé avec la clef en argent que j’ai mise dans la mallette. J’ai fermé la mallette et j’ai mis sa clef en cuivre dans la boite. Puis, je l’ai fermée avec la minuscule clef que j’ai glissée sous l’encoignure de la natte.

 

Je suis sorti. J’ai refermé la porte derrière moi. Puis, je suis monté attendre mon père dans la salle à manger.

 

Le lendemain à l’heure de l’aube, j’avais rendez-vous avec le même trou de serrure pour assister une nouvelle fois au propre culte de mon père qui n’est plus maintenant un mystère pour moi. Il faudrait mieux que je ne prête plus attention au livre entre les mains de mon père mais à ses propres réactions pendant sa séance de lecture. Néanmoins, l’humeur de mon père cette foi ci me semblait étrange car, au lieu de s’immerger dans son livre, son regard se figeait sur les empreintes des petits doigts sur la boite poussiéreuse et son souci augmenta quand il a remarqué les traces des pieds qui mènent tout droit à la clef sous le bout du tapis…

 

C’est là que j’ai vu ses yeux bigleux qui me fixaient à travers le trou de la serrure. 

 

S’est –il assoupi un moment? Que sais-je?!

 

Mais je le vois bien ciller. Me voit-il ?

 

Je me suis tenu droit et j’ai su que j’étais dans le noir. Dès que j’ai voulu retenter le coup du trou de la serrure, la porte s’est ouverte pour me retrouver agenouillé devant mon père qui affichait un sourire moqueur :

- pardon mon fils  de t’avoir  gêné avec tant de bruit !

 

J’ai improvisé une réplique avant que je ne sombre dans le silence :

- Oui, papa c’est pourquoi je suis descendu pour en savoir plus.

 

Il m’a tapoté la nuque avec sa paume et m’a avancé :

- Très bien, , mon fils, ainsi soit-il. A toi de prendre tout ton temps pour savoir.

 

Puis il s’est éloigné en montant les escaliers marche après marche.

 

 

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