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Essais
L’esthétique de l’architecture marocaine
Du design des villes aux plans des maisons
Par Mohamed Saïd Raïhani
L’art est une forme créative d’expression libre visant
à promouvoir les sensations, les idées
et les goûts internes et subjectifs en des formes esthétiques communément
appréciées. Ces formes esthétiques peuvent être une poésie, une danse, une
musique, un tableau, une statue, un film cinématographique, une pièce théâtrale
ou autres formes récemment ajoutées: stylisation, design numérique, décor,
gravure...
Puisque les arts sont des productions
humaines reflétant les préoccupations et les ambitions de l’humain,
l’architecture, classée depuis l’aube du temps parmi les sept arts, reste l’une
des manifestations du monde intérieur de l’individu et de la société…
1)- La fonction de l’architecture : célébrer la
beauté les valeurs sociales
Depuis
longtemps, l’art s’est appuyé sur l’un des piliers les plus anciens de la
pratique artistique: «l’imitation de la réalité». Ainsi, la peinture s’est
préoccupé d’imiter les activités de l’homme (culte, chasse, agriculture,
voyage…). La sculpture s’est intéressé à commémorer les proches et les
célébrités pour les perpétuer en les imitant à coup de marteau sur la roche ou
sur le métal. L’architecture, elle, imitait et imite encore les «valeurs
humaines» de la société en célébrant parfois le patriarcat ou le matriarcat
et en prophétisant dans d’autres cas des valeurs nouvelles telles :
L’architecture a
toujours eu une «forme»
et une «essence». Sa «forme»,
c’est la beauté. Son «essence», c’est les valeurs humaines qui ont
toujours été sensibles aux changements sociaux qui prennent lieu dans la
réalité car, après tout changement social, l’architecture se trouve
invitée à participer à supporter le nouveau régime, à défendre la nouvelle
culture et à embellir les nouvelles valeurs. Le Liban et l’Afrique de
sud peuvent servir d’exemple ici.
En
sortant de la guerre civile, le Liban s’est trouvé face au dilemme
suivant: Se reconstruire suivant le mode architectural occidental ou relancer
le mode libanais de l’avant-guerre. Les offres alléchantes des compagnies
internationales de la reconstruction, cependant, n’ont pas réussi à dissuader
les Libanais qui ont choisi le retour à l’architecture libanaise de
l’avant-guerre pour rassurer leurs compatriotes que la guerre civile n’a rien
touché au pays et pour prouver qu’elle n’a jamais mis les pieds au Liban alors
que l’autre choix, le choix de la reconstruction à l’occidentale, aurait fait
preuve que la main «étrangère» dans la guerre civile libanaise est
sortie vainqueur.
Le choix
de la reconstruction à l’oriental des villes libanaises dans les années
quatre-vingt-dix a trouvé écho en Afrique de sud lors de son organisation du
Mondial 2010 où tout le monde a pu suivre les touches locales de la culture Zoulou
dans les stades récemment construits pour fêter l’événement mondial.
Il serait utile de rappeler
que l’architecture ne se réfère pas uniquement à la construction verticale
des unités résidentielles mais aussi à l’organisation de l’espace étant présent
dans la construction des routes, de rues et des jardins en référence à une
perspective esthétique ou à une idéologie quelconque.
Dans ce
contexte, la tradition architectural arabe, dans le design des villes, imite le
travail des araignées en plaçant au milieu de la ville le palais royal (ou le
château du gouverneur) entouré par un cercle d’habitats réservés pour les hauts dignitaires et les fonctionnaires de
l’Etat. Puis, vient un cercle plus grand destiné pour l’habitat des commerçants
puis viennent les derniers cercles qui sont forcément les plus grands et qui
entourent tous: ce sont les cercles d’habitats réservés pour la masse. Enfin,
il y a le muraille qui s’érige haut pour protéger la
ville des assaillants.
Le modèle architectural portugais au Maroc est
tout-à-fait différent et la ville d’Essaouira en est un parfait exemple. Les
portugais, en bâtissant Mogador (L’actuelle Essaouira) au
seizième 16éme siècle, ils l’ont planifié de façon que le centre de la ville ne
soit pas réservé au logement du gouvernement mais pour «remercier Jésus
Christ» à travers, les deux rues perpendiculaires formant «une
croix colossale». L’avenue Mohamed Zerktouni
provenant de Bab Doukkala
au nord de la ville et s’étendant à Bab El Minzah au sud avec l’avenue en perpendiculaire, Mohamed
El Qouri menant à Bab
Marakech vers l’est.
La
fonction «formelle» de
l’architecture est la célébration de la beauté mais la deuxième
fonction reste «tacite» en opérant invisiblement, visant deux
objectifs : «renforcer» des valeurs sociales dominantes quand la
référence architecturale dominante revêt une «dimension conservative» ;
ou contribuer à «émettre» de nouvelles valeurs quand la référence
architecturale dominante revêt une «dimension innovatrice». Cette
opération s’effectue à travers le transfert de ces valeurs à «L’inconscient»
du récepteur/citoyen qui coexiste avec ses compositions architecturales, comme
visiteur ou comme voisin. Le rôle, donc, de l’architecture c’est de
familiariser le citoyen aux valeurs. C’est un rôle qui progresse à travers
trois étapes:
1/-Primo,
repérer le Moi Suprême, ou les valeurs sociales du groupe ciblé.
2/-Secundo,
incarner ces valeurs dans les compositions architecturales.
3/-Tercio, transférer
ces valeurs à travers la réception à «L’inconscient» où elles
deviendront une dynamo qui génèrent les nouvelles idées et émotions chez le
citoyen et la masse dans son ensemble.
2)- L’architecture
comme pilier d’urbanisation :
L’urbanisation et un phénomène lié à
l’émergence et l’évolution de la ville. Elle symbolise la transition de l’homme
du stade nomade et rural au stade citadin et urbain. Par conséquent,
l’architecture garde une liaison intrinsèque avec l’urbanisation étant donné
que la création s’épanouie souvent lors des périodes post-rurales.
L’architecture n’est pas un art purement «individuelle» car elle a
souvent besoin du soutien et du financement du «groupe social». Ainsi , le groupe social dans le stade rural
a des «priorités» qui se rapportent à la «survie» de la
communauté alors que les priorités du stade urbain comprennent d’autres atouts
tel «Donner une image brillant et idyllique sur soi et son groupe».
C’est ce dont l’architecture est capable, aussi bien sur le plan de la
construction que sur le plan de l’organisation de l’espace.
La ville, donc, reste la synthèse du
combat de l’homme avec le temps pour se prouver et se perpétuer malgré la
courte durée de vie qu’il est destiné à passer sur terre. L’homme a planifié la
ville suivant son goût et sa perspective. Une fois établie, la ville, elle,
influence considérablement son style de vie et sa relation avec l’autre et
l’environnement. En jetant un regard sur les trois catégories de villes
anciennes au Maroc, cette influence dialectique entre l’homme et les villes au
Maroc serait plus clair.
La première catégorie
des villes marocaines antiques se caractérise par son emplacement géographique
auprès de la mer pour des fins commerciales. Il serait utile de rappeler qu’à
travers l’histoire au Maroc, la majorité des villes marocaines littorales
sont construites par «les européens»: les grecques, les romains,
les byzantins, les portugais et les français. Parmi ces villes: Tinjis, Mogador, Azama,
Casablanca…
La deuxième catégorie des
villes marocaines antiques se caractérise par
le recul à l’intérieur, loin de la mer. C’est un trait qui caractérise
deux composantes de l’identité marocaine: le composant arabe et le composant
berbère qui ont bâtit Marrakech, Fès et
Meknès, des villes qui ont été capitales de différentes dynasties (Idrissides,
Almoravides, Al alaouites…) mais qui sont «toutes» des villes «intérieures»!!!
La troisième catégorie
des villes marocaines antiques est dominée par la crainte des attaques
étrangères. La ville de Chefchaouen, au nord
du pays, en est un parfait exemple. Chefchaouen
est bâtit au seizième 16ème siècle
par Assayida Al-hourra (=La
vraie Maîtresse), mère d’Abdallah le Petit, dernier roi de Grenade
lors du règne arabe sur la péninsule Ibérienne. Assayida
Al-hourra, qui a vu de ses propres yeux l’humiliation et l’expulsion massive
des Moresques, s’attendait à une deuxième poursuite déclenchée par les
espagnoles même sur le sol marocain. Ce qui explique la profondeur et
l’altitude qu’elle a choisi pour construire sa ville de refuge au Maroc,
ultérieurement nommée en Berbère Chefchaouen,
un nom composé qui veut dire «regarde les montagnes».
3)-L’architecture de la ville comme clef de la personnalité marocaine
Parmi les traits distinctifs de la
ville antique au Maroc, le muraille qui entoure la
ville de tous les côtés pour la protéger de
l’hostilité des voleurs et des conquérants. La terrasse de ces murailles, elle,
servait aussi de lieu idéal pour la garde montée par les patrouilles
militaires. Souvent, Ces murailles avaient des portails qui s’ouvraient de
l’aube au coucher du soleil. Puisque que le règlement était sévère, les
commerçants provenant des campagne voisines pour échanger leur marchandise avec
celle des citadins(= medini)
remarquaient un changement bizarre s’accaparer de leurs clients citadins avant
le coucher du soleil et ils ont constaté que les citadins s’affolent après la
prière d’Al-assr. Une expression qui est
encore courante. Mais ces commerçants campagnards qui l’ont forgé
(principalement pour les Slaouis, les Zailachis, les Meknassis,
les Fassis et autres) ne se sont jamais aperçus que L’affolement des anciens citadins marocains était
dû à la fermeture de tous les portails de la ville au coucher du soleil. Une
fois fermés, les portails ne s’ouvraient qu’à l’aube du jour suivant. Ce qui
signifiait que tout retardataire devrait passer la nuit dehors avec tous ses
achats, exposé à tous les dangers y compris les agressions corporels.
A l’ère coloniale, la ville antique
marocaine a subit des changements radicaux à partir
de la deuxième décade du 20éme siècle. Il est évident que les Français et les
Espagnoles, en tant que colonisateurs, ont rencontré une résistance intense sur
tous les plans. Ce qui les a poussé les colonisateurs à bâtir » des «villes
modernes» fréquemment nommées «villes nouvelles» face
aux «médinas», «cités des indigènes», pour éviter les
frictions avec les habitants, d’une part; et pour fournir des possibilités de
vie luxueuse pour les colons (Français et Espagnoles) ainsi que pour les
étrangers, d’autre part. Ainsi est né Fès El Jedid
et Fès El Bali,
Après l’expérience des «nouvelles
villes», vient la troisième expérience renommée pour l’intérêt des
colonisateurs à développer «des
zones limitées du pays» et à
marginaliser le reste. Ainsi, naquit «le Maroc Utile» et «le
Maroc Inutile ».
Dans tous les cas, L’architecture marocaine reste un
porte-parole de la personnalité marocaine et un indice des transformations que
l’identité nationale a subit à travers deux zones majeures d’habitat dans
toutes les villes marocaines. La première zone c’est «la ville antique», nommée encore la kasbah,
la médina ou la ville des indigènes. C’est le quartier des
artisans et des petits commerçants. «La ville antique» se caractérise par ses ruelles étroites et parfois
sombres formant un vrai labyrinthe pour les étrangers. La deuxième zone c’est «la
ville nouvelle» où habitent la classe moyenne et les classes sociales
privilégiées, économiquement parlant. Dans «la ville nouvelle», les rues
sont larges, les jardins et les fontaines se libèrent de leur caractère privé
et sortent des maisons pour joindre les espaces publiques…
Cependant,
après la ville et le quartier, l’architecture domestique demeure la clef de la
personnalité marocaine. Une petite promenade dans ses espaces dévoilerait le
côté silencieux de l’identité marocaine et le style de vie chez les marocains.
4)- L’architecture intérieure de la
maison marocaine :
La femme
et la maison ont toujours été des synonymes dirigés par la volonté de sauver
son honneur. Si l’architecture religieuse (principalement celle des temples)
s’associe souvent aux symboles de «masculinité» (formes des minarets
dans toutes les religions du globe, par exemple), l’architecture domestique
(celle des maisons) s’associe souvent aux symboles de «féminité».Ainsi,
le plan intérieur et extérieur de la maison marocaine, ancienne et moderne,
obéit strictement à cette catégorisation.
«La
maison traditionnelle» marocaine évoque, dans son architecture, la
prudence vis-à-vis de «L’homme étranger». Ce qui explique le choix
dominant des fenêtres minuscules placées bien haut, loin des yeux masculins qui
peuvent violer la confidentialité des femmes ou du harem à l’intérieur.
De sa
part, la façade de la maison traditionnelle est toujours haute pour empêcher
les intrus de penser à y grimper en
l’absence du «chef de la famille». Quant au couleur de la façade,
elle ne cherche jamais de distinction ou de singularité étant donné que la
philosophie référentielle de l’architecture traditionnelle s’abrège dans «l’adoption
de la culture de l’unanimité et le rejet de la différence».
La porte
extérieure de la maison traditionnelle est toute basse : C’est un outil
d’imposer le respect nécessaire à tout invité qui se présente sur le seuil en
le rappelant de se pencher en entrant. Cependant, les portes intérieures reste
paradoxalement hautes, grandes, archées, ornées et même gravées… Une
première face austère réservée aux gens de l’extérieur et une deuxième
face paradisiaque réservée pour l’intérieur, pour la maisonnée.
La clef
la plus importante pour décoder les signes de la maison traditionnelle serait
la façon de recevoir les invités qui sont accueillis par «une deuxième
porte» loin de «la porte principale» de la maison. L’objectif
est d’empêcher l’invité de se croiser les regards ou les bonjours avec les
femmes de la maison. Dans certains cas, les invités entrent par «la porte
principale» mais seulement pour passer à la chambre la plus proche, qui
est le salon.
De
l’autre côté, en comparaison à «la maison traditionnelle»,
L’architecture de «la maison moderne» marocaine se distingue
par le recul de la peur de «L’homme étranger». Ainsi, les fenêtres
deviennent beaucoup plus grandes ciblant non simplement l’aération mais aussi
la vision. Quant à la façade, elle est devenue moins haute suivant la tendance
moderne vers la construction verticale pour épargner de l’espace pour d’autres
projets fonciers. Contrairement à l’architecture traditionnelle, la porte
extérieure reste égale à celles de l’intérieur, voire décorée et parfois même
transparente alors que les invités sont accueillis directement de la porte
principale et menés vers le salon au cœur de la maison et souvent en présence
des membres de la famille…
Conclusion :
Si «la
masculinité» s’est associé aux temples depuis l’aube du temps et «la
féminité» s’est associé au design des maisons depuis que l’homme a
substitué le mode nomade au mode sédentaire; l’ensemble de l’architecture
marocaine reste menacé par deux dangers majeurs qui risque
de tout ravager: le premier est un fléau écologique qui a déjà submergé des
villes qui jadis ont été des capitales légendaires comme «Toumbouktou». Le nom de ce fléau est «la désertification». Le
deuxième danger est politico-social et son nom est «la ruralisation» des
villes marocaines.
TOUS DROITS RESERVES
e-mail: mohamed_said_raihani@yahoo.com
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